📰 Rallumer la vie dans nos lieux endormis
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Rallumer la vie dans nos lieux endormis


Les rendez-vous Tiers-Ă -Tiers sont des moments de partage ouverts Ă  tous·te·s. Une fois par mois, en visio, on y explore ensemble un sujet transversal, un enjeu vĂ©cu, une question qui traverse nos lieux — ou nos vies. 

Anciens bĂątiments d’exception, nouveaux enjeux collectifs Anciennes gares, domaines historiques, fabriques d’église
 Ces lieux longtemps fermĂ©s ou sous-utilisĂ©s s’ouvrent aujourd’hui via des partenariats (Infrabel, Fondation Roi Baudouin, communes). Mais que faire de ces opportunitĂ©s ? Comment passer d’un site en friche Ă  un lieu vraiment habitĂ© par ses usagers ? Cette fois, c’est Xavier Marichal qui a proposĂ© d’ouvrir la discussion avec l'exemple du Quatres-Quarts installĂ© dans le bĂątiment de la gare de Court Saint-Etienne


đŸŽ„ Vous pouvez regarder la vidĂ©o complĂšte du rendez-vous Tiers-Ă -Tiers, ou bien lire l’article ci-dessous pour en dĂ©couvrir l’essentiel. Ce texte reprend aussi fidĂšlement que possible le fil rouge de la rencontre — « La place des enfants dans les tiers-lieux » — et restitue aussi plusieurs digressions prĂ©cieuses, qui ont Ă©largi le dĂ©bat pour celles et ceux qui prĂ©fĂšrent la lecture Ă  la vidĂ©o
 ou qui souhaitent complĂ©ter leur visionnage par une mise en mots plus structurĂ©e.

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SynthĂšse de la rencontre

Lors de cette rencontre consacrĂ©e aux lieux endormis, un phĂ©nomĂšne frappant s’est dĂ©gagĂ© : qu’il s’agisse d’une gare oubliĂ©e, d’un chĂąteau rural ou d’une friche administrative, les porteurs de tiers-lieux traversent, sans se connaĂźtre, les mĂȘmes Ă©tapes. En agrĂ©geant ces trajectoires, une vĂ©ritable grammaire commune se dessine.

L’incertitude comme matiùre premiùre

Premier constat : aucun projet ne dĂ©marre avec les garanties qu’il souhaiterait avoir.

« On a signĂ© la premiĂšre convention sans savoir si on serait encore lĂ  trois mois plus tard. Mais si on avait attendu d’ĂȘtre “sĂ»rs”, on n’aurait jamais commencĂ©. »

Baux prĂ©caires, conventions floues, changements d’interlocuteurs, normes qui se durcissent : l’incertitude n’est pas un accident, elle est constitutive. Au fil des Ă©changes, elle apparaĂźt mĂȘme comme une force structurante. Elle façonne la forme du lieu, oblige Ă  des virages imprĂ©vus, ancre les projets dans une logique d’apprentissage continu. Le tiers-lieu rĂ©el, finalement, est toujours diffĂ©rent du tiers-lieu planifiĂ©.

 L’incertitude, c’était Ă©puisant
 mais c’est aussi ce qui nous a rendus rĂ©silients. »

Les institutions : ni adversaires, ni alliées parfaites

Les grandes institutions apparaissent comme des acteurs incontournables, mais rarement alignĂ©s dĂšs le dĂ©part. Les projets avancent grĂące Ă  des personnes-clĂ©s plutĂŽt qu’à des procĂ©dures. Ce ne sont pas des relations antagonistes, mais des relations lentes, qui demandent du temps, de la pĂ©dagogie et du dialogue.

« Tout a changĂ© le jour oĂč on a rencontrĂ© LA bonne personne, celle qui a vu le potentiel, et nous Ă  soutenu en interne pour rendre les choses possibles. »

Le foncier : un choix juridique qui conditionne tout

Selon que le projet repose sur une occupation temporaire, un bail court ou une concession longue, les implications changent du tout au tout. Le foncier dĂ©termine le niveau d’investissement possible, le niveau d’exigence normative, la vitesse de transformation du lieu et la stratĂ©gie Ă©conomique. Le foncier est Ă  la fois une opportunitĂ©, un levier et une contrainte.

« La SNCB voulait qu’on prenne tout le bĂątiment, pas seulement l’espace qu’on occupait. Ça changeait l’échelle du projet. »

Financement et puissance des ressources locales

La course aux subsides reste assez inefficace, le retour sur investissement n'en vaut pas toujours la peine.

« Les ratios sont tellement mauvais qu’on ne gagne plus rien dessus. Quand tu vois le nombre d’heures pour rentrer un dossier
 c’est trop peu rentable de mobiliser une personne Ă  ça. Entre le risque de perdre la souverainetĂ© des dĂ©cisions et le reporting qui devient vite lourd... On Ă  vite fait notre choix ! »

À l’inverse, les financements citoyens, coopĂ©ratifs, locaux, rĂ©vĂšlent un potentiel aux impacts multiples. Ils mobilisent vite. Ils crĂ©ent une base sociale solide. Ils racontent dĂ©jĂ  une histoire. Et ils ancrent le projet dans son territoire. À l’échelle des rĂ©cits croisĂ©s, la conclusion s’impose : la mobilisation locale est un moteur beaucoup plus fiable que la quĂȘte de subsides.

« Entre CrĂ©dal, un autre financeur et Citizenfund, ils nous ont dit : ‘Si vous arrivez Ă  lever 20 000 euros chez les citoyens, on met 80 000.’ Et les citoyens l’ont fait... On a levĂ© 36 000 euros en six semaines, juste avec des parts Ă  25 euros. C’est ça qui nous a permis d’avancer. »

Communiquer : un impératif sous-financé

Tous les porteurs le disent : sans rĂ©cit, un tiers-lieu reste invisible. Mais rares sont ceux qui disposent d’un poste dĂ©diĂ© Ă  la communication. Entre les lignes, une Ă©vidence se dĂ©gage : les lieux qui racontent leur quotidien, mĂȘme modestement, deviennent visibles et attractifs. Un paradoxe constant entre l’importance stratĂ©gique de la visibilitĂ© et la faiblesse des moyens disponibles pour la produire.

« Le fait que ce soit un peu artisanal, un peu bricolĂ©, c’est presque une force. Ça donne une image qui correspond Ă  ce que les gens attendent d’un projet comme le nĂŽtre dans un territoire comme celui-ci. Si on avait quelque chose de trop lĂ©chĂ© ou trop institutionnel, ça sonnerait faux. »
Faute de ressources structurelles, les solutions Ă©voquĂ©es restent souvent fragiles : accueillir des stagiaires communications “quand il y en a”, mutualiser un mi-temps entre plusieurs lieux, ou dĂ©pendre de bĂ©nĂ©voles dĂ©jĂ  trĂšs sollicitĂ©s. Ce sont des palliatifs utiles, mais qui ne permettent pas toujours la continuitĂ© ou la cohĂ©rence nĂ©cessaire Ă  une communication stable.

RĂ©activer un bĂątiment, c’est activer un territoire

C’est l’un des rĂ©sultats les plus nets de la mise en commun des vĂ©cus. Chaque lieu qui s’éveille devient un nƓud d’interconnexions : habitants, associations, producteurs, services publics, volontaires, artisans, visiteurs... Un projet peut s’accĂ©lĂ©rer dĂšs que l’on Ă©largit le cercle des acteurs mobilisĂ©s — parfois bien au-delĂ  des interlocuteurs « Ă©vidents ». Autrement dit : un tiers-lieu est une plateforme relationnelle qui rĂ©unit des univers qui ne se parlent normalement jamais.

« Je me rends compte que je ne regarde pas assez autour de moi. En vous entendant, je vois qu’il y a plein d’acteurs que je n’avais pas pensĂ© Ă  mobiliser : la tĂ©lĂ© locale, le CPAS, les associations du coin
 Tout un rĂ©seau que je n’avais pas identifiĂ© pour faire avancer mon projet. »
Cette dynamique s’accompagne souvent d’un mouvement de consultation citoyenne — volontaire ou spontanĂ©e. Organiser des sĂ©ances d’écoute, ouvrir des brainstormings publics, impliquer les publics qui traversent dĂ©jĂ  le lieu ou qui vivent autour : autant de pratiques qui renforcent non seulement la pertinence du projet, mais aussi son acceptabilitĂ© sociale et sa capacitĂ© Ă  fĂ©dĂ©rer. La rĂ©activation d’un lieu devient alors une façon de rĂ©vĂ©ler un Ă©cosystĂšme dĂ©jĂ  prĂ©sent mais encore non connectĂ©, et d’aider les habitants Ă  se rĂ©approprier leur territoire.

En fin de compte, les expĂ©riences paraissent diffĂ©rentes, mais elles racontent toutes le mĂȘme processus. Les tiers-lieux contemporains s’installent dans des bĂątiments endormis, utilisent l’incertitude comme moteur, s’appuient sur les ressources locales, apprennent Ă  danser avec les institutions et deviennent des catalyseurs territoriaux.

Ce que rĂ©vĂšle cette rencontre est limpide : 

«RĂ©animer un lieu, ce n’est pas restaurer un bĂątiment — c’est fabriquer du lien durable.»

Un mot pour finir

Un immense merci Ă  toutes les personnes prĂ©sentes lors de cette rencontre, et tout particuliĂšrement aux trois projets qui ont acceptĂ© de tĂ©moigner avec transparence et gĂ©nĂ©rositĂ© : la Gare de Wavre, le ChĂąteau de Grune, et Quatre-Quarts. Merci Ă©galement Ă  l’ensemble des participants pour la qualitĂ© de leurs Ă©changes, leur Ă©coute et leur engagement. Ensemble, vous avez donnĂ© Ă  cette rencontre la richesse et la profondeur qui lui permettent aujourd’hui d’inspirer bien au-delĂ  de cette seule sĂ©ance.


Si vous avez envie de contribuer Ă  ces rĂ©flexions, de partager vos pratiques, vos ressources ou des exemples de lieux qui abordent cette question autrement, n’hĂ©sitez pas Ă  le faire : chaque lecture enrichit la suivante.

Et si ce sujet vous a donnĂ© envie de proposer un prochain Tiers-Ă -Tiers, il suffit d’écrire Ă  l’équipe Trois-Tiers : un thĂšme, une personne ressource, une envie de creuser ensemble
 c’est tout ce qu’il faut pour ouvrir une porte. À trĂšs bientĂŽt autour d’un prochain sujet !

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