Rallumer la vie dans nos lieux endormis
Les rendez-vous Tiers-Ă -Tiers sont des moments de partage ouverts Ă tous·te·s. Une fois par mois, en visio, on y explore ensemble un sujet transversal, un enjeu vĂ©cu, une question qui traverse nos lieux â ou nos vies.
Anciens bĂątiments dâexception, nouveaux enjeux collectifs Anciennes gares, domaines historiques, fabriques dâĂ©glise⊠Ces lieux longtemps fermĂ©s ou sous-utilisĂ©s sâouvrent aujourdâhui via des partenariats (Infrabel, Fondation Roi Baudouin, communes). Mais que faire de ces opportunitĂ©s ? Comment passer dâun site en friche Ă un lieu vraiment habitĂ© par ses usagers ? Cette fois, câest Xavier Marichal qui a proposĂ© dâouvrir la discussion avec l'exemple du Quatres-Quarts installĂ© dans le bĂątiment de la gare de Court Saint-EtienneâŠ
đ„ Vous pouvez regarder la vidĂ©o complĂšte du rendez-vous Tiers-Ă -Tiers, ou bien lire lâarticle ci-dessous pour en dĂ©couvrir lâessentiel. Ce texte reprend aussi fidĂšlement que possible le fil rouge de la rencontre â « La place des enfants dans les tiers-lieux » â et restitue aussi plusieurs digressions prĂ©cieuses, qui ont Ă©largi le dĂ©bat pour celles et ceux qui prĂ©fĂšrent la lecture Ă la vidĂ©o⊠ou qui souhaitent complĂ©ter leur visionnage par une mise en mots plus structurĂ©e.
https://zoom.us/rec/share/MrO7xT0Fx-UfWhxgbFkmGWktt7lxb2Zs5fyywklup90cNv295wBfzZQl7wIix-tQ.zMzYDtFXO3K3f1-X?startTime=1763982244000
Code secret: x#caYJ4w
SynthĂšse de la rencontre
Lors de cette rencontre consacrĂ©e aux lieux endormis, un phĂ©nomĂšne frappant sâest dĂ©gagĂ© : quâil sâagisse dâune gare oubliĂ©e, dâun chĂąteau rural ou dâune friche administrative, les porteurs de tiers-lieux traversent, sans se connaĂźtre, les mĂȘmes Ă©tapes. En agrĂ©geant ces trajectoires, une vĂ©ritable grammaire commune se dessine.
Lâincertitude comme matiĂšre premiĂšre
Premier constat : aucun projet ne dĂ©marre avec les garanties quâil souhaiterait avoir.
« On a signĂ© la premiĂšre convention sans savoir si on serait encore lĂ trois mois plus tard. Mais si on avait attendu dâĂȘtre âsĂ»rsâ, on nâaurait jamais commencĂ©. »
Baux prĂ©caires, conventions floues, changements dâinterlocuteurs, normes qui se durcissent : lâincertitude nâest pas un accident, elle est constitutive. Au fil des Ă©changes, elle apparaĂźt mĂȘme comme une force structurante. Elle façonne la forme du lieu, oblige Ă des virages imprĂ©vus, ancre les projets dans une logique dâapprentissage continu. Le tiers-lieu rĂ©el, finalement, est toujours diffĂ©rent du tiers-lieu planifiĂ©.
Lâincertitude, câĂ©tait Ă©puisant⊠mais câest aussi ce qui nous a rendus rĂ©silients. »
Les institutions : ni adversaires, ni alliées parfaites
Les grandes institutions apparaissent comme des acteurs incontournables, mais rarement alignĂ©s dĂšs le dĂ©part. Les projets avancent grĂące Ă des personnes-clĂ©s plutĂŽt quâĂ des procĂ©dures. Ce ne sont pas des relations antagonistes, mais des relations lentes, qui demandent du temps, de la pĂ©dagogie et du dialogue.
« Tout a changĂ© le jour oĂč on a rencontrĂ© LA bonne personne, celle qui a vu le potentiel, et nous Ă soutenu en interne pour rendre les choses possibles. »
Le foncier : un choix juridique qui conditionne tout
Selon que le projet repose sur une occupation temporaire, un bail court ou une concession longue, les implications changent du tout au tout. Le foncier dĂ©termine le niveau dâinvestissement possible, le niveau dâexigence normative, la vitesse de transformation du lieu et la stratĂ©gie Ă©conomique. Le foncier est Ă la fois une opportunitĂ©, un levier et une contrainte.
« La SNCB voulait quâon prenne tout le bĂątiment, pas seulement lâespace quâon occupait. Ăa changeait lâĂ©chelle du projet. »
Financement et puissance des ressources locales
La course aux subsides reste assez inefficace, le retour sur investissement n'en vaut pas toujours la peine.
« Les ratios sont tellement mauvais quâon ne gagne plus rien dessus. Quand tu vois le nombre dâheures pour rentrer un dossier⊠câest trop peu rentable de mobiliser une personne à ça. Entre le risque de perdre la souverainetĂ© des dĂ©cisions et le reporting qui devient vite lourd... On Ă vite fait notre choix ! »
Ă lâinverse, les financements citoyens, coopĂ©ratifs, locaux, rĂ©vĂšlent un potentiel aux impacts multiples. Ils mobilisent vite. Ils crĂ©ent une base sociale solide. Ils racontent dĂ©jĂ une histoire. Et ils ancrent le projet dans son territoire. Ă lâĂ©chelle des rĂ©cits croisĂ©s, la conclusion sâimpose : la mobilisation locale est un moteur beaucoup plus fiable que la quĂȘte de subsides.
« Entre CrĂ©dal, un autre financeur et Citizenfund, ils nous ont dit : âSi vous arrivez Ă lever 20 000 euros chez les citoyens, on met 80 000.â Et les citoyens lâont fait... On a levĂ© 36 000 euros en six semaines, juste avec des parts Ă 25 euros. Câest ça qui nous a permis dâavancer. »
Communiquer : un impératif sous-financé
Tous les porteurs le disent : sans rĂ©cit, un tiers-lieu reste invisible. Mais rares sont ceux qui disposent dâun poste dĂ©diĂ© Ă la communication. Entre les lignes, une Ă©vidence se dĂ©gage : les lieux qui racontent leur quotidien, mĂȘme modestement, deviennent visibles et attractifs. Un paradoxe constant entre lâimportance stratĂ©gique de la visibilitĂ© et la faiblesse des moyens disponibles pour la produire.
« Le fait que ce soit un peu artisanal, un peu bricolĂ©, câest presque une force. Ăa donne une image qui correspond Ă ce que les gens attendent dâun projet comme le nĂŽtre dans un territoire comme celui-ci. Si on avait quelque chose de trop lĂ©chĂ© ou trop institutionnel, ça sonnerait faux. »
RĂ©activer un bĂątiment, câest activer un territoire
Câest lâun des rĂ©sultats les plus nets de la mise en commun des vĂ©cus. Chaque lieu qui sâĂ©veille devient un nĆud dâinterconnexions : habitants, associations, producteurs, services publics, volontaires, artisans, visiteurs... Un projet peut sâaccĂ©lĂ©rer dĂšs que lâon Ă©largit le cercle des acteurs mobilisĂ©s â parfois bien au-delĂ des interlocuteurs « Ă©vidents ». Autrement dit : un tiers-lieu est une plateforme relationnelle qui rĂ©unit des univers qui ne se parlent normalement jamais.
« Je me rends compte que je ne regarde pas assez autour de moi. En vous entendant, je vois quâil y a plein dâacteurs que je nâavais pas pensĂ© Ă mobiliser : la tĂ©lĂ© locale, le CPAS, les associations du coin⊠Tout un rĂ©seau que je nâavais pas identifiĂ© pour faire avancer mon projet. »
Un mot pour finir
Un immense merci Ă toutes les personnes prĂ©sentes lors de cette rencontre, et tout particuliĂšrement aux trois projets qui ont acceptĂ© de tĂ©moigner avec transparence et gĂ©nĂ©rositĂ© : la Gare de Wavre, le ChĂąteau de Grune, et Quatre-Quarts. Merci Ă©galement Ă lâensemble des participants pour la qualitĂ© de leurs Ă©changes, leur Ă©coute et leur engagement. Ensemble, vous avez donnĂ© Ă cette rencontre la richesse et la profondeur qui lui permettent aujourdâhui dâinspirer bien au-delĂ de cette seule sĂ©ance.
Si vous avez envie de contribuer Ă ces rĂ©flexions, de partager vos pratiques, vos ressources ou des exemples de lieux qui abordent cette question autrement, nâhĂ©sitez pas Ă le faire : chaque lecture enrichit la suivante.
Et si ce sujet vous a donnĂ© envie de proposer un prochain Tiers-Ă -Tiers, il suffit dâĂ©crire Ă lâĂ©quipe Trois-Tiers : un thĂšme, une personne ressource, une envie de creuser ensemble⊠câest tout ce quâil faut pour ouvrir une porte. Ă trĂšs bientĂŽt autour dâun prochain sujet !
=> Hello@troistiers.space